vendredi 29 décembre 2023

Ameute l'autre regard !

 






Si tu te heurtes aux murs de chair
Si tes mots sombrent avant de naître
Que ton sang agrippe tes os
Que ton œil perd sentier


Éveille en toi l'autre regard!

Celui qui transgresse le monde
Et distance le temps singulier

Dans le goulot des jours
Quand s'engouffre la pénombre
Ameute l'autre regard!

Sa lueur te cherchait.

Andrée Chedid " l'autre regard "








mercredi 25 août 2021

Toi c'est...


Toi c'est un mot
Toi c'est une voix 
Toi c’est tes yeux  et c’est ma joie

Toi c’est si beau
Toi c’est pour moi
Toi c’est bien là et je n’y crois

Toi c’est soleil
Toi c’est printemps
Toi c’est merveille de chaque instant

Toi c'est présent 
Toi c'est bonheur 
Toi c'est arc-en-ciel dans mon coeur







Toi c'est distant...
Toi c’est changeant…
Toi c’est rêvant et esquivant…


Toi c’est pensant…
Toi c'est taisant...
Toi c’est tristesse qui me prend…


Toi c’est fini.
Fini ? Pourquoi ?
Toi c’est le vide dans mes bras…
Toi c’est mon soleil qui s’en va…
Et moi, je reste, pleurant tout bas.


Esther Granek, Ballades et réflexions à ma façon, 1978


jeudi 6 mai 2021

Les fleurs du silence ...


sont les mots que l'on a pas dits !































Par un soir ténébreux de l'arrière saison
Dans un coup de rafale une graine emportée
Tombant contre les murs d'une haute prison
Entre de vieux pavés mal joints s'est arrêtée


Dans ce lit de hasard elle dort tout l'hiver
Sous des blocs de granit froidement inhumée
Mais quand au tiède avril le ciel bleu s'est ouvert
Elle tressaille et germe où le vent l'a semée

Alors, comme sortant d'un funèbre sommeil 
Elle émerge à grand'peine et s'exhausse de terre 
Et d'un suprême effort aspirant au soleil 
Elle frémit d'espoir, la pauvre solitaire 

Puis, grâce à de longs jets flexibles et rampants
S'attachant par saut brusque ou par lente caresse 
Comme la vigne vierge et les rosiers grimpants
Elle escalade en fin la haute forteresse

Quand elle arrive au bout de son rude chemin 
Montant jusqu'au rebord d'une étroite fenêtre 
Elle étale sa fleur près d'un visage humain
Qu'elle a vu triste et pâle à la grille apparaître 

A plein coeur exhalant son parfum printanier
La fleur s'épanouit ... et meurt dans la soirée 
Mais elle s'est ouverte aux yeux du prisonnier  
Qui seul a pu la voir, qui seul l'a respirée 


André Lemoyne "Fleur solitaire"

 

samedi 10 avril 2021

Le vin des amants ...

 

 
 
Aujourd'hui l'espace est splendide !
Sans mors, sans éperons, sans bride
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féerique et divin !




Comme deux anges que torture
Une implacable calenture
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain !

Mollement balancés sur l'aile
Du tourbillon intelligent
Dans un délire parallèle











 
  



Ma soeur, côte à côte nageant
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves !
 
 
 
 
 
 
 
 Charles Baudelaire " le vin des amants "
 
 



mardi 19 janvier 2021

Quand ce soir tu t'endormiras ...



Quand ce soir tu t'endormiras
Loin de moi, pour ta triste nuit 
En songe pose sur mon bras 
Ton beau col alourdi d'ennui.


Jette vers moi ce qui t'encombre
Défais-toi des mornes pensées
Je les ramasserai dans l'ombre




Comme une glaneuse insensée
Ivre d'amour, et qui dénombre
Des roses, des lys, des pensées...
Anna de Noailles " recueil de l'amour " 


 

 

 

lundi 16 novembre 2020

Je serai douce, si douce...

 .


Elle est si douce, la pensée,
Qu'il faut, pour en sentir l'attrait,
D'une vision commencée
S'éveiller tout à coup distrait.

Le cœur dépouillé la réclame ;
Il ne la fait point revenir,
Et cependant elle est dans l'âme,
Et l'on mourrait pour la finir.

À quoi pensais-je tout à l'heure ?
À quel beau songe évanoui
Dois-je les larmes que je pleure ?
Il m'a laissé tout ébloui.

Et ce bonheur d'une seconde,
Nul effort ne me l'a rendu ;
Je n'ai goûté de joie au monde
Qu'en rêve, et mon rêve est perdu.

René-François Sully Prudhomme " pensée douce "



samedi 7 novembre 2020

Si tu rencontres ...



Si tu rencontres un amant épris, éperdu
Avec dans sa faim une satiété
Et dans sa soif, assouvie à la source
Une retenue

Et que les gens disent :
« C’est un fou !
que peut-il bien vouloir de l’amour ?
qu’espère-t-il de tant de patience ? »


« Est-ce pour Une telle
qu’il verse ces larmes de sang ?
alors qu’elle n’a rien de merveilleux
ni de remarquable ? »

Dis-leur que ce sont eux les sourds et les démunis
morts avant d’être nés
comme connaîtraient-ils l’essentiel qui fait vivre
sans l’avoir expérimenté ?


Khalil Gibran -  " extrait du Chant 12 du Livre des Processions "


mardi 25 août 2020

Le Tango est une question de route ...

 pas de destination !



Malena chante le tango comme aucune autre
et dans chacun des vers, elle met son coeur
L'herbe folle du faubourg parfume sa voix

Malena tient sa peine du bandonéon


C'est peut-être dans son enfance que sa voix d'hirondelle
a pris cette couleur obscure de ruelle
Ou bien en chantant cette romance qu'elle ne dit 
que quand vient la tristesse avec l'alcool

Malena chante le tango avec une voix d'ombre
Malena tient sa peine du bandonéon 


Ta chanson a la froideur de la dernière rencontre 
Ta chanson se fait amère dans le sel du souvenir
Je ne sais si ta voix est la fleur d'une peine
mais je sais qu'au son de tes tangos 

Malena Je te sens si bonne plus bonne que moi


Tes yeux sont obscurs comme l'oubli 
les lèvres serrées comme la rancoeur
tes mains deux colombes qui ont froid
Dans tes veines coule le sang du bandonéon
























Tes tangos sont des créatures abandonnées qui rôdent 
dans la boue des ruelles
"quand toutes les portes sont fermées 
et que hurlent les fantômes de la chanson"


Malena chante le Tango avec une voix brisée
Malena tient sa peine du bandonéon
Homero Manzi "Malena"

pour la "petite histoire" cliquez ci dessous



lundi 6 janvier 2020

Sonhei que ... J’ai rêvé ...



SONHOS …

Sonhei que era a tua amante querida
A tua amante feliz e invejada
Sonhei que tinha uma casita branca
À beira de um regato edificada…
Tu vinhas ver-me misteriosamente
A horas mortas quando a terra é monge
Que reza. Eu sentia, doidamente,
Bater o coração quando de longe
Te ouvia os passos. E anelante,
Estava nos teus braços num instante,
Fitando com amor os olhos teus !
E, vê tu, meu encanto, a doce mágoa :
Acordei com os olhos rasos d’água,
Ouvindo a tua voz num longo adeus !





RÊVES …

J’ai rêvé que j’étais ton amante chérie
Ton amante heureuse et jalousée
J’ai rêvé que j’avais une petite maison blanche
Bâtie au bord d’un ruisseau
Tu venais me voir, mystérieusement
À des heures mortes quand la terre est comme un moine
Qui prie. Je sentais, follement,
Battre mon cœur quand au loin
J’entendais tes pas. Et haletante,
Je retrouvais tes bras en un instant
Fixant amoureusement tes yeux!
Et considère,toi ma merveille, mon doux chagrin :
Je me suis réveillée les yeux noyés d’eau,
Entendant ta voix en un long adieu !

Florbela Espanca




mercredi 18 décembre 2019

A fleur de Femme !






Maintenant que la jeunesse 
S'éteint au carreau bleui 
Maintenant que la jeunesse 
Machinale m'a trahi
Maintenant que la jeunesse 
Tu t'en souviens souviens-t-en
Maintenant que la jeunesse
Chante à d'autres le printemps






Maintenant que la jeunesse
Détourne ses yeux lilas
Maintenant que la jeunesse
N'est plus ici n'est plus là
Maintenant que la jeunesse
Sur d'autres chemins légers
Maintenant que la jeunesse


Suit un nuage étranger
Maintenant que la jeunesse
A fui voleur généreux
Me laissant mon droit d'aînesse
Et l'argent de mes cheveux
Il fait beau à n'y pas croire
Il fait beau comme jamais




Quel temps quel temps sans mémoire
On ne sait plus comment voir
Ni se lever ni s'asseoir
Il fait beau comme jamais
C'est un temps contre nature
Comme le ciel des peintures
Comme l'oubli des tortures













Il fait beau comme jamais 
Frais comme l'eau sous la rame
Un temps fort comme une femme
Un temps à damner son âme
Il fait beau comme jamais
Un temps à rire et courir
Un temps à ne pas mourir.....







Aragon, « Le cri du butor » (extrait)